Le texte ci-dessous fait suite à un article paru dans le magazine Bon à Savoir du 12 mars 2021 sur les compotes de fruits en sachet. Article que vous pouvez retrouver ici. Ce dernier a fait vivement réagir au sein de la profession et comporte plusieurs erreurs factuels et un message général apportant davantage de confusion sur un sujet déjà complexe. Suite à une publication de notre part sur les réseaux sociaux, un  journaliste du magazine nous contacté en nous proposant de rédiger une réponse a publier sous forme de courrier des lecteurs. Faute de place, la réponse n’a malheureusement pas pu être publiée. Revenir plusieurs mois après la parution d’un article avec une réponse complète et argumentée (qui par définition est plus longue qu’un simple paragraphe) est bien évidemment difficile pour un journal, principalement par manque de place. Par soucis de transparence, vous trouverez la réponse ici. Ce texte a été co-signé par une dizaine de diététiciens et diététiciennes en Suisse-Romande et au Tessin.

Précision

Cette réponse n’a aucunement pour but de remettre en question les relations entre le magazine Bon à Savoir et la profession de diététicien. Des diététiciennes collaborent depuis des années avec le magazine et ce, depuis l’existence du journal. Aucun diététicien n’a à notre connaissance été contacté pour cet article et l’experte en nutrition consultée selon le journaliste n’a pour l’instant pas donné suite à notre réponse.

Deux principales erreurs ont été relevées et méritent des précisions :

La comparaison entre une compote et une boisson sucrée

Les compotes analysées sont “sans sucres ajoutés » et ne contiennent par définition que du sucre naturellement présent provenant des fruits. Le sucre contenu dans un fruit (le fructose) n’a pas le même effet sur l’organisme que le même sucre, ajouté par les industriels. Dans une pomme par exemple, le sucre n’est pas «seul». Il est lié aux autres composants du fruit, notamment aux fibres. Lorsqu’on mange une pomme, le sucre n’est pas absorbé tant que le processus de digestion ne l’a pas isolé du reste de l’aliment. C’est également le cas dans une compote sans sucre ajouté, même si l’aliment a été en partie transformé.

La consommation de fructose via les fruits ne pose pas de problème tant qu’ils ne sont pas consommés en excès. On constate par exemple des excès chez des personnes qui boivent de grandes quantités de jus de fruits (du commerce ou pressés maison). La forme liquide permet d’en consommer en grande quantité. Il ne paraît donc pas judicieux d’affirmer, comme dans l’article, qu’un fruit renferme beaucoup de fructose et que ce fructose n’est pas plus sain que les sucres ajoutés par les industriels. Ou, comme l’article laisse sous-entendre, que le fructose des fruits pourrait être à l’origine de problèmes cardiaques. Le fructose, lorsqu’il est consommé via les fruits, ou des compotes sans sucre ajoutés ne peut pas être comparé aux sucres ajoutés par les industriels. C’est précisément cet excès de sucre ajouté qui engendre des problèmes de santé qui, à long terme, peuvent conduire à des maladies cardio-vasculaires. Dans l’étude de 2015 de l’EPFZ (1) citée, les chercheurs précisent d’ailleurs que la consommation de fruits ne pose pas de problème, comme l’avait déjà rappelé l’article du journal Le Temps, consacré à cette étude (2).

Il n’est également pas juste de comparer deux produits uniquement en prenant une valeur pour 100g, sans tenir compte des quantités habituellement consommées. Une canette de Coca-Cola® correspond à 330ml, une petite bouteille à 450ml, des quantités facilement consommées, principalement parce qu’il s’agit de liquide. Un gobelet de compote pèse en moyenne 100g et on ne consomme que rarement 330g voire 450g de compote. Même si 100ml de Coca-Cola® contient moins de sucre que 100g de compote, les quantités consommées dans la vie courante via les boissons sucrées apportent davantage de sucre (et du sucre ajouté par les industriels). 

 

L’interprétation des recommandations de l’OMS (“les enfants devraient consommer au maximum 25 g de sucre par jour”).

Ces recommandations concernent uniquement la quantité de sucre dits « libres » (3). Les “sucres libres” correspondent à tous les sucres ajoutés + les sucres naturellement présents dans le miel, les sirops ou les jus de fruits. Ce terme peut être illustré simplement par l’exemple de la transformation de pommes en jus de pommes. Lors de la transformation, on «libère» les sucres des autres constituants de la pomme. Le sucre étant libre, il est digéré et absorbé comme un sucre ajouté et procure un sentiment de satiété bien plus faible, ce qui incite à en consommer plus. Le sucre naturellement présent dans une compote n’entre donc pas dans cette catégorie.

C’est donc bien de la surconsommation de sucres libres, surtout sous forme liquide, qui engendre des problèmes de santé sur le long terme: surpoids et obésité, maladies cardiovasculaires, diabète du type 2, et des troubles du métabolisme des graisses, entre autres. 

Le point central dans la compréhension de cette thématique est de ne pas comparer des aliments et des boissons, sans tenir compte de l’effet des sucres sur l’organisme et des paramètres qui vont influencer la digestion, la satiété et les quantités consommées. On parle par exemple, de la présence de fibres, du degré de transformation de l’aliment ou encore du fait qu’il s’agisse de sucre “seuls” ou non.

Il est également fondamental de différencier le fructose naturellement présent dans des fruits et le fructose ajoutés par les industriels. Les compotes de fruits sans sucre ajouté contiennent une quantité de sucre normale par rapport aux fruits dont elles sont issues. Elles subissent un certain degré de transformation sans que des sucres y soient ajoutés et seront de meilleure qualité que des boissons sucrées ou des goûters qui contiendraient des sucres industriels. On préfèrera cependant toujours donner aux enfants des aliments le moins transformés possible et les conseils qui encouragent les parents à faire leur compote maison vont dans ce sens.

  1. https://www.nature.com/articles/nature14508
  2. https://www.letemps.ch/sciences/fructose-un-sucre-mauvais-coeur
  3. https://www.who.int/nutrition/publications/guidelines/sugar_intake_information_note_fr.pdf?ua=1

Article rédigé par: 

  • Simon Besse, Diététicien, Unité de nutrition clinique, Hôpital Riviera Chablais

co-signé par : 

  • Nicolas Parel, Diététicien MSc, Service des soins intensifs, Hôpitaux Universitaires de Genève
  • Lisa Caravatti-Poretti, Diététicienne responsable du service de nutrition, Ospedale Malcantonese
  • Sybille Schenk, Diététicienne, Centre Hospitalier Universitaire Vaudois
  • Tiffany Burdet, Diététicienne, soins à domicile du Nord Vaudois, ASPMAD
  • Lauren Rapaz, Diététicienne HES, service diététique, Clinique de Valère, Sion
  • Yasmina Bovey, Diététicienne, CMCO, Clinique de la Source, Lausanne, EMS de la Paix-du-Soir, Mont-sur-Lausanne
  • Amandine Poretti, Diététicienne, Centre de Nutrition et Psychologie de la Riviera, La Tour-de-Peilz. 
  • Caroline Berney, Diététicienne HES, promotion de la santé chez Global Nutrition, Genève.
  • Salomé Mercier-van Beek, Diététicienne, Soins à domicile, Fondation Soins Lausanne et ABSMAD
  • Noémie Hattich, Diététicienne HES, Oviva AG
  • Rubens Ferreira, Diététicien, Hôpitaux Universitaires de Genève
  • Roberto Amadio, Diététicien, Réseau Hospitalier Neuchâtelois
  • Gay Gaëlle, Diététicienne HES, DU Nutrtion et obésité de l’enfant, service de Pediatrie, CHUV