Les dérives du Nutri-Score

Nous vous partageons aujourd’hui un exemple envoyé par un patient qui s’étonnait, à juste titre, de voir le Nutri-Score A sur des céréales Nesquik. On lit à longueur de journée que les céréales industrielles ne sont pas bonnes pour la santé car trop transformées et trop riches en sucre. Comment est-ce possible qu’elles obtiennent la note A ? Tentative d’explications.


Dans cet exemple, les céréales Nesquik contiennent 75,2g de glucides dont 22,4g de sucre et 8,6g de fibres pour 100g. Si on les compare avec d’autres céréales de la même gamme (Smacks, Choco Krispies, Frosties, Trésor ou encore Chocapics) ces dernières contiennent toutes plus de sucre et moins de fibres. Les céréales Nesquik sont donc la meilleure option en terme de composition nutritionnelle dans cette gamme de produits. Nous devrions plutôt dire « la moins pire ».
 

Comment est calculé le Nutri-Score ?

Le Nutri Score est uniquement basé sur la composition nutritionnelle de l’aliment pour 100g (le tableau avec les kcal, les protéines, glucides et lipides au dos du produit). Le Nutri-Score est calculé de la manière suivante :
  • Plus le produit est calorique, salé, sucré et contenant des graisses saturées, moins la note est bonne.
  • Plus le produit contient de fibres, protéines, fruits et légumes ou de fruits à coque, plus la note est bonne.
1er constat : le Nutri-Score ne tient compte que de la composition nutritionnelle du produit. Un aliment ne se résume cependant pas à ça.
2ème constat : le Nutri-Score sert à comparer les aliments d’une même catégorie et non pas à dire si l’aliment est bon en soi.
Ici, l’exemple des céréales Nesquik nous informe simplement qu’il s’agit des céréales les moins pire de toute la gamme de céréales industrielles du petit déjeuner.
 

Le Nutri Score, bon ou mauvais outil ?

Le Nutri-Score peut vous aider à comparer les aliments d’une même catégorie et ainsi à choisir le produit avec la meilleure composition nutritionnelle parmi une gamme de chips, de yogourt, de muesli, de thon, etc. Il a également poussé certaines entreprises à modifier la composition nutritionnelle de leur produits, en y mettant moins de sucre et de graisses, ce qu’elles n’auraient, à coup sûr, pas fait spontanément. Les avantages s’arrêtent à peu près là.
 
Malgré son objectif initial, dans la pratique, le Nutri-Score se révèle être un outil réducteur et qui délivre un mauvais message aux consommateurs ?
  1. Il ne tient pas compte de la taille des portions habituellement consommées
  2. Il ne tient pas compte du nombre d’ingrédients, ni de la qualité de ces derniers.
  3. Il ne tient pas compte du degré de transformation des aliments. Trop d’aliments ultra transformés arrivent à avoir un bon Nutri-Score avec quelques tours de passe-passe.
  4. Il ne tient pas compte de la présence d’additifs, de conservateurs ou encore d’édulcorants.
  5. Il n’apporte rien en termes d’éducation nutritionnelle et n’encourage pas à apprendre la lecture d’étiquette, savoir pourtant essentiel. Au contraire, il simplifie l’acte d’achat en infantilisant les consommateur
Les industriels ont d’ailleurs bien compris comment se l’approprier ! Pour avoir une bonne note il suffit d’ajouter aux produits quelques vitamines et fibres ou encore de remplacer les sucres par des édulcorants. Le tour est joué ! C’est ainsi que de nombreux aliments ultra-transformés obtiennent un bon Nutri-Score. Exemple : dans un Coca Zéro, il y a 0 kcal, 0 sucre, 0 protéine, 0 lipide. Pour les boissons, seule l’eau peut avoir la note de A, le Coca obtient donc la note de B, tout comme le Coca Light. La réduction d’un aliments à leur simple valeur nutritionnelle conduit bien à des aberrations.
 
Si il n’y avait qu’une information à retenir c’est la suivante : le Nutri-Score sert à comparer les aliments entre eux mais ne dit pas que l’aliment est bon en soi.
Le Nutri-Score ne concerne d’ailleurs pas les produits non-transformés : si les fruits et légumes frais, les viandes crues découpées, le miel et d’autres produits bruts n’ont pas besoin de note, c’est qu’il y a peut-être une raison.

Un score qui fait débat

Le Nutri-Score est présenté depuis des années comme un outil dont les limites sont connues, qui est facilement contournable par les industriels mais qu’il faudrait tout de même utiliser. Son utilisation est majoritairement encouragée par les professionnels de la nutrition mais ce score fait néanmoins débat. Deux points sont a relever :

Premièrement en tant que diététiciens, nous sommes influencés par l’approche réductionniste de la nutrition qui nous a été enseignée. Il ne s’agit pas remettre cela en question car cet apprentissage est essentiel : des aliments jusqu’au macro et micro-nutriments en passant par leur devenir métabolique, nous avons tous des souvenirs, parfois douloureux, des cours de biochimie et de physiopathologie. Cette vision a influencé profondément notre manière d’analyser l’alimentation en définissant un aliment par ses composants. Nous ne pouvons donc voir que d’un bon œil toute initiative qui viserait à réduire la consommation de sucre, sel et mauvaises graisses. C’est ce que fait le Nutriscore.

Un aliment ne se résume cependant pas à la somme de ses nutriments. C’est le devenir métabolique des nutriments et leurs effet sur l’organisme qui est important. Des amandes entières ou en poudre ont la même composition mais un effet différent sur l’organisme. Idem pour l’orange entière ou pressée. C’est donc l’effet des nutriments et la manière dont notre corps réagit à ce que nous mangeons qui importe. Le Nutri-Score n’en tient pas compte.

Deuxièmement, peu importe ce pourquoi un outil a été créé, c’est l’utilisation qui en est faite qui est importante. Même si le Nutri-Score a été conçu pour comparer les aliments d’une même catégorie, il est malheureusement utilisé par les consommateurs pour décider si un aliment est sain ou non. Et comment le leur reprocher : voir la lettre A entourée de vert sur un logo validé par la communauté scientifique, le tout sur un paquet de Kellogs extrudés dont les premiers ingrédients sont des sirops de sucres industriels, influence sans aucun doute le consommateur qui se voit autorisé à acheter le produit validé par les autorités.

Nous avons tout intérêt à nous concentrer sur l’utilisation qui est faite des outils sur le terrain. Et si cette utilisation est différente de ce pourquoi ils étaient initialement prévus, nous avons le devoir de remettre en question les outils.

Conclusion

Il ne fait aucun doute qu’en créant le Nutri-Score, les intentions de la communauté scientifique étaient bonnes. Mais dans la pratique, et malgré la révision de l’algorithme qui sera effective dès décembre 2023, cet outil est réduit à une approche réductionniste, tout en étant facilement contournable par les industriels et mal utilisé par les consommateurs. Nous sommes donc en présence d’un outil qui génère de la confusion et délivre un mauvais message.

Un outil qui ne tient compte ni du nombre, ni de la qualité des ingrédients, ni de la présence d’additifs, de conservateurs ou encore d’édulcorants, ni du degré de transformation des aliments (trop d’aliments ultra-transformés arrivent à avoir un bon Nutri Score, il suffit de regarder les substituts de viande, cf exemple ci-dessus), ni de la taille des portions habituellement consommées et qui n’apporte pas de véritable avancée en terme d’éducation nutritionnelle, ne me semble pas être un outil recommandable pour améliorer les choix alimentaires et la santé des consommateurs.

Simon Besse

1 Commentaire

  1. rem

    en quoi le coca 0 bien noté est une aberration ?
    ya que éventuellement l’aspartame (dont on sait pas avec exactitude scientifique si mauvais ou pas) ou il y aurait à redire…sinon le coca 0 c’est de la flotte aromatisée, en quoi c’est mal…

    Réponse

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