Dans la première partie de cet article, nous avons définit les différents modes de culture en Suisse, les grands principes de l’agriculture biologique, nous avons discuté des différents risques toxicologiques (teneur en pesticides et produits chimiques) et des différences d’un point de vue nutritionnel avec les aliments issus de l’agriculture conventionnelle. En ce qui concerne le goût, nous avons vu qu’il dépend de plusieurs facteurs mais avant tout de la provenance du produit et du stade de maturité lorsqu’il est récolté. Bien que le mode de production joue un rôle, ce dernier n’est pas prépondérant pour les questions de goût.
Nous avons également fait un constat simple: le bio n’est plus aussi marginal qu’il y a quelques années. Nombreux sont ceux ayant flairé la possibilité de gratter quelques billets. Dis plus simplement, comme tout les phénomènes qui touchent une grande partie de la population, le bio est devenu un business.
J’espère également vous avoir démontré qu’il n’y a aucun intérêt à considérer les aliments bio comme un groupe homogène mais bien comme un ensemble de produits qui répondent à des caractéristiques très différentes en fonction de leur provenance et des labels, : bio-Suisse, bio UE, bio du Chili ne sont pas tout à fait semblables. Vous vous êtes alors peut-être retrouvés, empruntés, ne sachant que choisir lors de vos prochains achats entre les haricots bio d’Afrique du Sud et les haricots non-bio mais du canton voisin. Faut-il privilégier un produit bio importé par avion de l’autre bout du monde ou un produit non-bio cultivé à quelques dizaines de kilomètres de votre domicile?
Grâce à la première partie, vous devriez être en mesure de répondre à cette question. Consommer Suisse (même non-bio) est encore un gage de qualité de part la politique agricole suisse qui refuse l’agriculture intensive et privilégie la production intégrée et biologique. Lors d’un débat sur l’alimentation locale organisé pendant mes études, je m’étais même permis un parallèle avec le local, qui prône la consommation de nourriture produite dans un rayon de 100 à 250 kilomètres autour de son domicile. Au vue de la superficie de la Suisse qui, qui ne fait pas plus de 350km dans sa plus grande longueur et 220 dans sa largeur, consommer Suisse, c’est presque consommer local. Sourires crispés autour de la table.
Les labels
Bio Suisse, Naturaplan, IP Suisse, Demeter, Bio Migros, MSC, Max Havelaar, Bio nature plus, AB et bien d’autres, vous aurez surement remarqué en observants les produits, qu’il n’existe pas un seul mais plusieurs labels suisses et étrangers. Plus de 65 labels se concurrencent sur les emballages en Suisse. Et comme chaque label répond à des exigences précises, il est difficile d’y voir clair.
Pour ce qui est de la Suisse, il existe différents labels qui doivent au minimum répondre aux exigences de l’ordonnance sur l’agriculture biologique. Certains labels vont plus loin que ce que prévoit la loi. C’est le cas par exemple de Bio Suisse, Naturaplan (Coop), Demeter ou encore Bio Nature Plus (Manor). Ce n’est par contre pas le cas des labels internationaux comme MSC, AB, Max Havelaar, Fairtrade, qui ne satisfont pas aux mêmes exigences et répondent à des cahiers des charges sur lesquels la loi Suisse n’a que peu de contrôle. Sans parler de la traçabilité des produits et les conditions dans lesquels ils sont produits qui ne sont pas toujours transparentes. Essayez de vous renseigner sur la façon dont une tomate bio d’Espagne ou un haricot bio du Chili est produit. Mes questions et mes recherches sont en tout cas restées sans réponse.
Guide des labels
Un guide des labels a été édité par la Fédération Romande des Consommateurs (FRC) et permet de comparer plus de 31 labels afin de faire des choix en toute connaissance de cause. Il est très bien réalisé, quoi qu’en peu timide avec les labels qu’il place dans la catégorie « partiellement recommandés ». Les labels qui répondent uniquement aux exigences de l’Union Européenne se retrouvent dans cette catégorie, ce qui s’explique par le fait que la réglementation européenne sur le bio ne pose que très peu d’exigences dans les domaines de la biodiversité, de l‘irrigation, du climat et du social. Un guide à conserver tout de même sur son natel pour vos prochains achats.
Quelques mentions honorables
Bio Suisse
Bio Suisse (et sa marque déposée Bourgeon) est l’organisation d’agriculture biologique la plus connue en Suisse. Elle comprend plus de 6’600 exploitations. Mention honorable tout particulièrement sur les conditions d’élevage, de détention et d’abatage des animaux. Plus d’informations ici: Connaissances Bio – Faits et fondements sur l’agriculture et la transformation biologiques
Petit aparté sur le poisson bio, puisque c’est une question qui revient régulièrement. Le poisson bio est toujours un poisson d’élevage. Par définition, les poissons sauvages ne peuvent pas être certifiés bio. Les directives pour le poisson bio accordent une plus grande attention aux animaux, à l’environnement et aux consommateurs. Par exemple, l’utilisation d’antibiotiques à titre préventif est interdite, chaque poisson doit être anesthésié et abattu immédiatement après avoir été sorti de l’eau, etc.
Coop Naturaplan
Le label Coop Naturaplan est presque toujours accompagné du bourgeon Bio Suisse. Ils sont partenaire depuis 1993 et Naturaplan s’aligne pleinement sur les directives de Bio Suisse pour les aliments d’origine végétale mais pas pour les produits d’origine animale. Il faut signaler l’effort qui a été fait de la part de Coop, même si les produits Naturaplan ne représentent qu’une petite partie de l’offre alimentaire bio.
Demeter
Les producteurs Demeter vont encore plus loin que le bio et gèrent leur exploitation selon des principes dits anthroposophiques. Ils attachent une importance particulière à la production, la transformation mais également à une gestion durable.
L’élevage et l’alimentation des animaux sont adaptées aux besoins de l’espèce, l’individualisation du domaine agricole est organisée le plus possible en circuit fermé et le génie génétique a été interdit à tous les échelons, bien avant que la confédération se prononce à ce sujet.
L’artisanat est mis en valeur avec comme objectif principal de conserver toutes les propriétés des aliments. La transformation se fait avec le plus grand soin. Par exemple le lait Demeter n’est pas homogénéisé, la viande et la charcuterie ne contiennent pas de sel nitrité, le jus est toujours du pur jus (sans concentré), le miel n’est jamais chauffé au-delà de la température naturelle de la ruche et le recours aux enzymes, aux conservateurs, aux additifs aromatisants et à l’irradiation des aliments sont interdits.
Manger bio, ça coûte cher !
Le principal frein au bio reste sans conteste son prix qui est en moyenne entre 20 et 30% plus cher que les produits issus de l’agriculture conventionnelle. Premier point à bien comprendre avant d’aborder des raisons qui expliquent ces différences de prix: c’est le marché qui décide des marges et des prix finaux, pas les labels ou les producteurs eux-mêmes. Ça va sans dire mais c’est toujours mieux en le disant.
Pourquoi?
Les deux principales raisons qui expliquent ces prix plus élevés sont des rendements plus faibles et une production qui nécessite plus de travail et de mains d’œuvre.
Les rendements est en moyenne 20% inférieur. C’est principalement la conséquence du renoncement aux engrais et aux pesticides de synthèse. En ce qui concerne la production animale, les animaux reçoivent d’une part des fourrages bio conformes aux besoins de chaque espèce ce qui prolonge la durée d’engraissement, et d’autre part, les agriculteurs bio produisent moins de viande, de lait ou d’œufs pour la même surface par rapport à la production conventionnelle. La transformation des produits bio se fait également d’avantage en respectant le produit. Seuls les ingrédients naturels sont autorisés et les additifs qui servent le plus souvent à faire baisser le prix de revient du produit ou à compenser des faiblesses qualitatives (exhausteurs de goût, arômes) sont interdits.
A tout cela se rajoute une troisième problématique, le prix de la mains d’œuvre en Suisse. Les rendements sont plus faibles et un travail supplémentaire est nécessaire quelque soit le pays producteur mais ces coûts sont encore plus importants dans notre pays où les salaires sont plus élevés.
Lorsque vous achetez du poulet à 10 francs le kilos, dites vous bien que quelqu’un s’est fait avoir et il y a de forte chance que ce soit l’éleveur sur ses prix et vous sur la qualité. Nous avons été trop souvent habitué à des aliments à bas prix, le plus souvent fabriqués à l’étranger dans des conditions très éloignées de ce que prévoit la loi suisse. Élevages intensifs, usages d’antibiotiques et de régulateurs de croissance, conditions de détention des animaux déplorables, mains d’œuvre sous qualifiée, mal payée et qui travaille dans des conditions déplorables. Le prix des denrées alimentaires trop bon marché devraient vous faire réfléchir sur tout ce que ça implique du point de vue de l’homme, de l’animal et de l’environnement. La responsabilité est et restera dans les mains du consommateur.
La solution?
Cette problématique du prix se retrouve principalement dans les grandes surface et il existe un moyen simple et efficace d’y remédier: éviter au maximum les intermédiaires qui prennent chacun une marge, que ce soit les transporteurs, le grossiste ou la grande surface.
Entre 20 et 30% de ce que vous achetez paie les intermédiaires. En évitant ces intermédiaires vous pouvez réduire considérablement votre budget alimentation sans que la qualité soit impactée. Fréquentez les marchés, aller directement vous fournir chez les paysans, faites-vous livrer des paniers de fruits et légumes domicile. Il existe même aujourd’hui des coopératives de paysans qui se réunissent au centre ville pour vous proposer directement leurs produits. C’est le cas par exemple à Lausanne à la Ferme Vaudoise et à Terre Vaudoise.
L’avis du diététicien
Lorsque je dois prendre une décision, j’aime le faire de façon rationnel en faisant un rapport coûts/bénéfices et dans le cas du bio cela peut également aider à y voir plus clair. Pour cette liste d’avantages et d’inconvénients, je ne me suis concentré que sur les produits bio Suisses , car ceux venant de l’étranger ne permettent pas une traçabilité et une transparence complète.
Les avantages du Bio-Suisse :
- Le Bio-Suisse est protégé par la loi et un produit ne peut pas être vendu comme bio si il ne respecte pas les exigences de l‘ordonnance sur l’agriculture biologique. En achetant du Bio-Suisse vous savez ce que vous achetez, ce qui n’est pas le cas des produits importés.
- Les fermes bio en Suisse doivent l’être entièrement et pas uniquement en partie. C’est le principe de globalité. Toute nouvelle ferme qui désire se mettre au bio doit également faire deux années de reconversion.
- Le Bio-Suisse est plus sûr d’un point de vue toxicologique (pesticides et engrais chimiques) et il contient également beaucoup moins d’additifs: la confédération en autorise 300, l’ordonnance bio en Suisse 48 et le bourgeon Bio Suisse uniquement 31.
- Le bien-être des animaux est respecté: parcours en plein air (même en hiver), fourrages de qualité et conditions d’élevage adaptées aux espèces. En cas de maladie, les bêtes sont également soignées avec des produits plus naturels et des médecines alternatives.
- Le Bio-Suisse protège d’avantage la biodiversité, les nappes phréatiques, les cours d’eau et la fertilité des sols, capitale pour la qualité des produits et l’environnement. Pas de pesticides, pas d’engrais chimique et pas de régulateur de croissance qui se retrouvent dans l’environnement.
- Le Bio-Suisse joue un rôle social important en ménageant la santé des paysans et en leur permettant de vivre décemment en étant payé au juste prix.
- En fonctionnant sans achat d’engrais et de pesticides, le bio assure l’indépendance des paysans à l’égard des multinationales agricoles.
Les désavantages du Bio-Suisse :
- Son prix: entre 20 et 30% plus cher en moyenne (avec la possibilité de limiter cette différences de prix en court-circuitant les intermédiaires).
- Le manque de diversité de l’offre: si on souhaite uniquement des produits bio en grande surface, l’offre est limitée, c’est moins le cas en se rendant au marché ou directement chez les producteurs.
- La conservation: les conservateurs ajoutés aux produits étant limités, la durée de conservation des aliments est généralement moins longue.
Dans quels cas faudrait-il privilégier les produits bio?
Conseil pratique: les résidus de pesticides et de produits chimiques sont majoritairement contenus dans la pelure ou l’écorce des fruits ou des légumes. Même si dans la majorité des cas, laver et peler les fruits et légumes suffit à limiter le risque d’ingestion de résidus de pesticide, lorsque la pelure ou les zestes sont utilisés, il est plus que judicieux de privilégier les aliments bio. Si on devait se contenter d’un conseil: acheter bio les aliments que vous mangez tels quels.
Conclusion
Si on se fie aux données données scientifiques dont nous disposons actuellement, consommer des aliments issus de l’agriculture biologique présente des bénéfices d’un point de vue toxicologique (résidus de pesticides et d’engrais chimiques) et dans une moindre mesure nutritionnels (richesse en vitamines, minéraux et anti-oxydants). Mais au delà du fait de consommer bio ou non, c’est l’aspect local et de saison qui devrait nous préoccuper. Nous avons la chance de bénéficier d’un label non-officiel, le Cultivé en Suisse, qui a encore de la valeur de part la politique agricole privilégiée dans notre pays et sa superficie.
Le sujet du local est souvent mal compris. Est-ce que consommer local signifie renoncer à tout ce qui n’est pas produit localement? Bien sur que non. C’est simplement choisir de consommer local quand on a le choix entre deux produits identiques de provenance différente. Consommer local ne signifie pas consommer uniquement des produits du terroir (viande séchée, fromage…) et renoncer aux bananes, aux ananas, au café ou au chocolat . Consommer local c’est éviter des aberrations résumé dans cet exemple du WWF: 1 botte d’asperges du Mexique importée par avion (11’800km) et achetée en février nécessite 5 litres de pétrole. 1 botte d’asperges de Genève achetée en mai, nécessite 0.3 litre de pétrole (source WWF).
Concernant la saisonnalité de l’alimentation: ne pas suivre les saisons, n’est-ce pas introduire de la monotonie dans notre alimentation ? Est-ce que la monotonie ce n’est pas manger les mêmes tomates toute l’année ? Se jeter en mars sur des fraises importées d’Espagne alors qu’il suffit d’attendre le mois de mai pour que les fraises Suisses pointent le bout de leur nez. Est-il vraiment raisonnable de faire venir par avion du raisin de l’autre bout du monde alors que les vignes suisses en produisent à foison en automne. Et pour la viande, pourquoi acheter de la viande à l’origine douteuse, le plus souvent en provenance d’Europe de l’est, alors que les conditions d’élevage en Suisse sont parmi les plus strictes au monde ?
Manger bio ne signifie pas être en bonne santé. On peut très bien manger bio et manger trop gras, trop sucré et trop salé. Mais si on devait tirer le meilleur du bio tout en limitant les inconvénients énumérés plus haut, le meilleur compromis serait de privilégier les aliments locaux et de saison (même non-bio), savoir quels aliments acheter bio et d’éviter au maximum les intermédiaires. Rajouter à ces conseils, un suivi des recommandations nutritionnels et vous avez le meilleur moyen de rester une bonne santé sur le long terme.
Simon Besse