En l’espace de quelques dizaines d’années, nos marchés sont devenus des supermarchés, puis des hypermarchés avec des surfaces et des rayons toujours plus imposants. Quand j’étais enfant, les seuls endroits où je voyais des rayons de yogourts d’une dizaine de mètres c’était lorsque nous allions faire nos courses dans les hypermarchés français. Une génération plus tard, c’est presque devenu la norme en Suisse.

Cette augmentation des choix alimentaires signifie-t-elle vraiment plus de diversité ? C’est surtout la victoire de l’illusion qui a été brillamment démontrée, en 2013 déjà, parJoki Desnommée-Gauthier de l’université de Montréal. Cet étudiant avait analysé des milliers de produits vendus dans les supermarchés québécois et démontrés que derrière des centaines de marques différentes, se cachaient à peine plus d’une dizaine de grands groupes industriels. A l’heure de la mondialisation, pourquoi en serait-il différemment chez nous ?

Infographic: Who owns your processed food? (from Convergence Alimentaire)

Une réalité que nous pouvons déplorer mais j’ai appris au cours des année à mettre mon énergie là où j’ai la possibilité de faire changer les choses. A l’heure près d’une calorie sur deux consommées provient des aliments ultra-transformés, une chose qui est en mon pouvoir c’est vous donner les clés pour faire les bons choix en magasin et décrypter les emballages, toujours plus difficiles à comprendre. Si vous voulez devenir acteur de votre santé et choisir en toute connaissance de cause ce que vous mettez dans votre assiette, vous devez savoir lire une étiquette et déchiffrer un emballage.

Cet article à donc 2 objectifs:

  1. Identifier rapidement les informations essentielles pour l’analyse des aliments que vous consommez régulièrement et laisser de côté les informations inutiles qui ne sont là que pour apporter davantage de confusion.
  2. Savoir rapidement si il s’agit d’un aliment sain ou non. Tout ne se résume pas à une question d’équilibre alimentaire. Il faut reconnaitre que certains aliments sont objectivement mauvais, sur le plan nutritionnel, environnemental, éthique et de la santé. Ça ne signifie pas qu’ils sont interdits, mais pour identifier un problème, commençons nommer clairement les choses.

Les informations essentielles

Tout est fait pour que vous ne compreniez rien à ce qui se cache derrière chaque produit : liste d’ingrédients, valeurs nutritionnelle pour 100g ou par portion, allégations nutritionnelles, logos et labels, % des apports journaliers couverts et plus récemment le Nutriscore, l’Eco-Score ou encore le score de bien-être animal, l’industrie joue avec les informations obligatoires et facultatives ainsi qu’avec le marketing pour vous induire en erreur. Si il fallait se concentrer sur 3 informations essentielles, il s’agirait de celles-ci.

1. La liste d’ingrédients

Le plus important se trouve dans la liste d’ingrédients. C’est cette liste qui vous donne le plus d’informations sur la qualité du produit car elle est obligatoire et comprend tous les ingrédients qui entrent dans la fabrication de l’aliment et qu’on retrouve dans le produit fini (matières premières, épices, additifs, etc) .

Les ingrédients apparaissent toujours par ordre décroissant (là aussi c’est obligatoire), c’est à dire que l’ingrédient présent en plus grande quantité apparaît en premier. C’est donc l’ordre des ingrédients qui fera la différence entre un produit de qualité et les autres. Recherchez tout ce qui s’apparente à du sucre : sucre, sirop de glucose-fructose, sirop de mais, sirop de sucre inverti, mélasse, glucose, maltodextrine, etc. Si ces ingrédients apparaissent en début de liste, vous n’êtes pas en présence d’un produit de grande qualité. Exemple ci-dessous avec des madeleines au chocolat dans lesquelles le premier ingrédient n’est autre qu’un sirop de sucre industriel (sirop de glucose). On trouve pas moins de 4 sucres industriels différents dans ces madeleines. Puisqu’il faut sans doute l’écrire noir sur blanc, ce n’est pas une bonne idée de goûter pour vos enfants.

Soyez attentif à la longueur de la liste : plus c’est court, mieux c’est. Une longue liste est régulièrement le signe de nombreux additifs ou de processus industriels qui changent en profondeur la structure de l’aliment. C’est à la fin de la liste que vous trouverez les additifs, ces substances ajoutées pour améliorer la texture, l’aspect et prolonger la durée de conservation. Ils sont désignés par leur nom ou par leur code (le fameux E suivie de 3 chiffres). Avec plus de 5 ingrédients, vous avez 80% de chance d’être en présence d’un aliment ultra-transformé.
Exemple ci-dessous avec un cordon-bleu industriel. Un cordon bleu devrait contenir 5 ingrédients : du poulet, du fromage, du jambon, de l’œuf et de la panure. Ici, sans parler du fait que la viande constitue moins de la moitié du produit (vous achetez de l’eau de la panure), c’est plus de 15 ingrédients différents qui rentrent dans la composition de ce produit dont de nombreux additifs.

Soyez finalement attentif à la qualité des ingrédients, qui ne manquera pas d’être précisée si c’est le cas. Ainsi, si le produit utilise des huiles végétales, assurez-vous qu’il s’agisse d’huile d’olive ou de colza. Si il est indiqué « huile végétale » sans autre précision, il s’agit le plus souvent de l’huile de palme.

2. Les valeurs nutritionnelles

Le tableau des valeurs nutritionnelles (aussi appelé « informations nutritionnelles » ) contient toutes les informations en lien avec l’énergie (les calories) et les nutriments (protéine, sucre et graisse). 3 catégories d’aliments sont logiquement exemptés de cette obligation : la plupart des aliments non-transformés (comme les légumes en vrac ou la viande fraiche), les aliments vendus à l’emporter (le sandwich de votre boulangerie préférée), et un grand nombre d’aliments de fabrication artisanale (la viande séchée, produite et vendue directement chez le boucher). Pas de tableau des valeurs nutritionnelles pour ces aliments. Pour tout le reste, il est obligatoire.

 

Ces valeurs sont obligatoirement indiquées pour 100g. Vous trouverez également souvent l’information pour une portion (dans l’exemple ci-dessus pour 30 grammes). N’y prêtez pas attention, cette information est faite pour vous induire en erreur. Une portion ne représente jamais tout le paquet et elle est très souvent éloignée de ce qui est consommé en réalité. Consommez-vous réellement 30 grammes de chips quand le paquet fait 280g ?

 

La valeur énergétique (ou Énergie) peut vous être utile. Il s’agit des calories (kcal) apportée par tous les nutriments (protéines, glucides et lipides). Elle est aussi souvent exprimée en kilojoules (KJ) mais cette unité de mesure ne nous intéresse pas et n’est jamais utilisée par les consommateurs. Dans cet exemple 100g de chips vous apportent 525 kcal, soit environ l’équivalent d’une plaque de chocolat.

3. Les glucides et les « dont sucres »

Si il y a bien une valeur qui nous intéresse tout particulièrement dans ce tableau, c’est bien la quantité de glucides. Glucides, hydrates de carbones ou sucres, sont trois termes différents pour parler de la même chose : tous les sucres présents dans l’aliment. Certains sont là naturellement, d’autres sont ajoutés par les industriels. Le terme « Glucides » dans le tableau fait référence à tous les sucres que vous apporte l’aliment. On trouve :

  • Le sucre des féculents (du pain, des pâtes, du riz, des pommes de terres, des lentilles, ou encore des pois chiches et des haricots rouges, etc.), l’amidon.
  • Les sucres simples qui ne sont pas liés à l’amidon. Deux présents naturellement comme le sucre du fruit (le fructose) et le sucre du lait (le lactose). Tous les autres sont ajoutés par les industriels :  glucose, saccharose, sirop de sucre, sirop de mais, etc.

La mention « dont sucre » sous les glucides, fait donc référence à ces sucres simples qui ne sont pas liés à l’amidon:

  • Le fructose (le sucre des fruits)
  • Le lactose (le sucre du lait)
  • Tous les sucres ajoutés : le saccharose (le sucre de table), le miel et tous les sucres industriels (sirop de glucose-fructose, sirop de mais, sirop de sucre inverti, etc)

Quelques exemples pour mieux comprendre les subtilités du « dont sucre »:

Ce n’est pas le sucre du lait (le lactose) ou le sucre des fruits (le fructose), naturellement présent dans les aliments, qui posent problème. Il s’agit bien de tous les sucres ajoutés par les industriels, que ce soit sous la forme de sucre de table, de miel ou, le plus souvent, de sirop de sucres industriels.

La mention « dont sucres » nous donne déjà un aperçu de la qualité de l’aliment car si ce dernier contient beaucoup de sucre sans qu’il n’y ait la présence de fruits ou de lait dans le produit, il s’agit de sucres ajoutés.

A moins d’être diabétique et de devoir vous injecter une quantité précise d’insuline en fonction du total de glucides que vous avez mangez, les quantités de sucres, de graisses et de protéines ne vous sont pas fondamentalement utiles car les valeurs du tableau sont relativement incomplètes et ne nous donne pas d’informations fiables sur la qualité de l’aliment. Ce qui va vous renseigner de manière simple et indiscutable sur la qualité du produit se trouve dans la liste des ingrédients.

En résumé

  • Le plus important se trouve dans la liste des ingrédients, en gardant toujours en tête les trois critères essentiels : l’ordre, le nombre et la qualité des ingrédients.
  • Prenez toujours la valeur nutritive pour 100g d’aliment (ou 100ml si il s’agit d’une boisson).
  • Prenez la quantité totale de glucides pour 100g et faites une règle de 3 pour savoir quelle quantité vous allez consommer. Si il y a 11g de glucides dans 100ml de Coca et que vous buvez une bouteille de 500ml, il faut faire 5×11=55g de glucides. Comme un morceau de sucre pèse en moyenne 3,7g de sucre, cela correspond à  13 morceaux de sucre.
  • Faites le lien entre les «dont sucres » et la liste des ingrédients et partez à la recherche des sucres ajoutés : saccharose, sirop de glucose, sirop de fructose, maltodextrine, caramel, sirop de sucre invertit, fructose (rajouté par les industriels), etc.

BONUS: les conseils du diététicien

1. La base de votre alimentation doit se composer de produits frais que vous transformerez vous-même. Ces produits ne se trouvent le plus souvent pas sur Yuka et n’ont pas de tableau de valeurs nutritionnelles ou de liste d’ingrédients. Ce qu’il y a dans des carottes, de la carotte. Ce qu’il y a dans des courgettes que vous faites griller au four, rien d’autre que de la courgette. Acheter des produits frais et vous saurez ce qu’il y a dedans et quelle transformation vous leur avait fait subir. Exemple : prendre un yogourt nature et y ajouter soi-même du miel ou quelques fruits.

2. Bannissez les produits tout prêts de votre alimentation. Plats tout prêts à chauffer au micro-ondes, muesli industriels, cordons bleu ou les escalopes panées, végétales ou non, barre chocolatées, etc. Chercher celui qui contiendrait le moins de graisse ou de sucre, n’est pas la solution. Vous avez le plus souvent entre les mains des aliments ultra-transformés . La solution ne se trouve pas entre les mains des industriels mais bien dans les vôtres.  Préférez cuisiner maison que d’acheter des plats préparés. A l’extérieur, privilégiez les aliments frais ou peu transformés. Un sandwich de la boulangerie avec du vrai pain, de la viande séchée et un fruit font un repas de midi parfaitement sain, même lorsque vous n’avez que 15 minutes pour manger.

3. Concernant le choix des aliments ultra-transformés, si la liste des ingrédients est longue, que vous n’en connaissez pas la moitié mais que vous reconnaissez plusieurs sucres industriels différents, fuyez ! Référez-vous à notre article pour reconnaitre les aliments ultra-transformés et évitez-les au maximum, à l’exception d’un ou deux qui vous plaisent vraiment.

4. Même si l’exercice de la lecture d’étiquettes vous fait prendre conscience que vos produits préférés sont un désastre nutritionnellement parlant, autorisez-vous un ou deux produits ultra-transformés qui vous plaisent vraiment mais ne faites pas de stocks à la maison. Dans la pratique, ça signifie avoir une plaque de votre chocolat préféré dans un placard mais ne pas acheter la promotion de 6 plaques pour le prix de 5.

5. Après avoir lu les étiquettes de certains boissons sucrées, vous vous dites peut-être que la solution réside dans le zéro, le light ou le sans sucre. Je vous conseille très fortement d’éviter les édulcorants : Aspartame et Acésulfame-k (Coca light et zéro), Cyclamate, Saccharrine (Assugrin) glycoside de stéviol (Coca Life), etc. Les boissons édulcorées sont une fausse bonne idée car elles entretiennent le goût du sucré.  A force de s’habituer à ce goût, votre corps en réclame toujours d’avantage. De plus, ces molécules donnent un message erroné à votre organisme : le cerveau enregistre le goût du sucré et stimule les zones qui y sont associées mais il n’y a pas de sucre qui entraine une réaction dans votre organisme. Vous continuez ainsi à leurrer votre cerveau avec un sentiment de déculpabilisation totale « c’est light/zéro/sans sucre, c’est open-bar ». Sans même parler du manque de recul sur certaines de ces molécules sur le long terme.

6. Apprendre à cuisiner est essentiel pour ne pas céder à la facilité des aliments ultra-transformés. Vous vous prendrez également moins la tête avec la lecture d’étiquettes. C’est bien plus simple et abordable qu’on ne le pense. Mais avant de vous inscrire à un cours de cuisine moléculaire, reprendre les bases, et commencer par les indispensables à avoir dans votre cuisine, autant dans vos tiroirs qu’au fond des placards est essentiel. Sans ce travail en amont, cuisiner sera une contrainte et vous ne le ferez pas souvent. Comment s’organiser pour les courses et la préparation des repas ? Nous y avions consacré deux articles

 Simon Besse, diététicien