Pendant de nombreuses années les hautes autorités de santé ont recommandé une diminution de la consommation d’œufs, notamment à cause du cholestérol qu’ils contiennent. Quel sportif n’a d’ailleurs jamais cuisiné une omelette en jetant un ou deux jaunes à la poubelle, pensant préserver la santé de ses artères ? Je plaide coupable. On a même pu lire en 2012 dans un média bien connu que le jaune d’œuf était aussi dangereux que la cigarette, les journalistes se basant sur les résultats d’une étude canadienne de 2012(1) dont la pertinence restait discutable (nous y reviendrons tout à l’heure). Aujourd’hui, ces conclusions sont remises en cause. Il existe d’ailleurs de moins en moins de recommandations concernant la consommation de cholestérol via l’alimentation(2), malgré ce que certaines publicités tentent encore de vous faire croire à travers la promotion de tout un tas d’alicaments.
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Ce que disent les médias
Si on en croit les grands médias, consommer des œufs entiers (notamment le jaune) serait dangereux pour la santé de votre cœur et augmenterait le risque de crise cardiaque. Ces mêmes médias citent régulièrement des études comme celle mentionnée en introduction ou les scientifiques ont trouvé un lien entre consommation d’œufs et risque de maladies cardiaques.
Plusieurs problèmes liés à ces études
Même si certaines études ont montré qu’une consommation importante d’œufs entiers pouvait augmenter les risques chez certaines personnes notamment des diabétiques de type 2 (3), cela n’a pas pu être démontré chez les personnes en bonne santé. De plus, ces études ne tiennent la plupart du temps pas compte des facteurs dit confondants, comme la sédentarité, le stress ou le fait que les participants soient ou non fumeurs. Ces paramètres sont des facteurs de risque cardiovasculaire majeurs, qui peuvent influencer les résultats. Lorsqu’on tient compte de l’échantillon étudié, on constate le plus souvent des petites études, effectuées sur un nombre restreint de participants, rarement plusieurs milliers.
A aucun moment, ces études ne parlent de la qualité des différents œufs utilisés, qui reflèterait les différents œufs disponibles dans le commerce. Elles sont ainsi le plus souvent réalisées avec des œufs issus d’élevage intensifs, plus précisément en batterie.
Vous l’aurez compris, il ne suffit pas de citer une étude pour prouver ce que l’on affirme. Encore faut-il que ces études aient été réalisées correctement et sans biais.
Le problème du cholestérol
Contrairement aux idées reçues, le cholestérol alimentaire (présent dans le jaune d’œuf mais également dans les abats et les fruits de mer par exemple) n’a que peu d’incidence sur le cholestérol sanguin (fabriqué majoritairement par le foie qui en régule la production en fonction de l’apport extérieur). Plus des trois-quarts du cholestérol total circulant de notre corps (cholestérol sanguin) est produit par l’organisme, le reste est fourni par l’alimentation. Le problème est donc que le taux sanguin est peu influencé par le cholestérol issu de l’alimentation. Un bon nombre de facteur comme l’âge, le sexe, le stress, le tabac, les prédispositions génétiques, l’activité physique mais encore la qualité des graisses consommées ont bien plus d’influence.
Que dit la science sur les œufs et le cholestérol ?
Il n’y a pas grand chose à craindre des œufs. Voilà ce qui ressort d’une large analyse de la littérature médicales (plus de 3 millions de personnes) datant de décembre 2012 (4) sur la consommation des œufs :
- L’œuf apporte effectivement du cholestérol à l’organisme, mais pas n’importe lequel, du cholestérol HDL (le bon).
- L’œuf augmente le taux de cholestérol sanguin chez les personnes diabétique uniquement.
- Une forte consommation d’œufs (plus de 1 œuf par jour) n’est pas associée à une augmentation du risque de maladie coronarienne ou d’accident vasculaire cérébral.
Les œufs ne sont donc pas un problème pour les personnes qui sont en bonne santé qui ne cumulent pas les facteurs de risque!
L’importance de l’origine des œufs
Un point qui est peu abordé : La qualité des œufs.
Le bon sens voudrait qu’une poule élevée en cage, privée de lumière naturelle, nourrie avec on ne sait trop quoi et dont la croissance a été accélérée avec des hormones, ne produise pas les même œufs qu’une poule élevée en plein air qui a becqueté des graines de lin ? Que nous dit la science ? Elle nous montre, oh surprise, que les œufs issus de poules élevées en batterie, n’ont pas la même composition que ceux issus de poules élevées en plein air et nourries au grain.
Qu’est-ce que ça change, un œuf reste un œuf non ?
L’alimentation et l’activité physique des animaux ont un impact important sur la qualité du blanc et du jaune, en particulier en ce qui concerne la qualité des graisses. Ainsi, les œufs de poules biologiques sont bien plus riches en oméga-3 alors que les œufs de poules élevées en batterie sont plus riches en oméga-6. Cela est du à la qualité de leur alimentation. Il est également question de la qualité des protéines présentes dans le blanc et le jaune.
Petite anecdote qui ravira plus d’un lecteur : les oeufs issus de poules élevées en batterie ont un jaune d’oeuf qui n’a de jaune que le nom. Il est pâle, presque blanc. On rajoute donc dans l’alimentation des poules des pigments qui se retrouvent dans le jaune et qui lui donne une couleur plus « naturelle ».
Comment choisir ses œufs
En Europe, un code est obligatoirement imprimé sur les œufs (sauf sur ceux vendus directement à la ferme). C’est extrêmement simple, le premier chiffre privilégie le mode d’élevage :
- 0 pour les œufs issus de l’agriculture biologique
- 1 pour les œufs issus des poules élevées en plein air
- 2 pour les œufs issus de poules élevées au sol (le plus souvent dans un hangar sans lumière naturelle)
- 3 pour les œufs issus de poules élevées en batterie (l’élevage en batterie étant interdit en Suisse depuis 1991, ces œufs sont donc obligatoirement importé de l’étranger)
Les deux lettres suivantes en majuscule correspondent au code du pays (CH pour la Suisse, DE pour l’Allemagne, etc).
Pour une bonne omelette, pas besoin de 8 blancs d’œufs premiers prix d’origine douteuse. Deux gros ou trois petits oeufs entiers de qualité font largement l’affaire.
Le manque de cholestérol fragilise vos muscles
Paragraphe concernant les plus sportifs d’entre-vous. Selon plusieurs spécialistes du milieu des sports de force comme Julien Venesson, auteur de « Nutrition de la Force » ou Michael Gundill, auteur du « Guide des compléments alimentaires pour sportifs », une alimentation riche en cholestérol favorise les gains de force et de masse musculaire dans le cadre d’un entraînement physique.
L’organisme utilise le cholestérol pour réparer les lésions faites aux fibres musculaires, conséquence des entrainements, ce qui favorise la récupération et donc la progression. Ces observations expliquent aussi pourquoi les médicaments anticholestérol, les statines, ont des effets secondaires importants sur les muscles avec notamment une forte diminution de la force musculaire.
Conclusion
L’œuf est un atout diététique indispensable de par sa richesse en protéines, en vitamines (A, B9 et B12 notamment), en minéraux et en choline, le tout avec un apport calorique faible et un prix relativement bas comparé aux autres sources de protéines.
Privilégiez les œufs bios ou issus de poules élevées en plein air. Ces œufs contiennent des protéines de meilleure qualité et sont bien plus riches en Oméga 3.
Vous ne souffrez d’aucune maladie chronique, vous n’avez pas d’antécédents familiaux particuliers, vous êtes en bonne santé et même un peu sportif, vous pouvez donc consommer jusqu’à 2 œufs entiers par jours sans craindre le pire pour votre santé. Oui, « entiers » vous avez bien lu, arrêtez de jeter les jaunes à la poubelle. Manger des œufs entiers n’est donc pas dangereux pour votre santé, au contraire. Le cholestérol des œufs améliore même vos performances physiques à la salle, sous la barre de squat ou au stade.
Simon
Sources
1.http://www.atherosclerosis-journal.com/article/S0021-9150%2812%2900504-7/abstract
2. https://www.sge-ssn.ch/media/Feuille_d_info_Alimentation-et-hyperlipid%C3%A9mie_2017.pdf
3.http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/25230771
4.Rong Y , Chen L , Zhu T , Song Y , Yu M , Shan Z , et al. Egg consumption and risk of coronary heart disease and stroke: dose-response meta-analysis of prospective cohort studies. BMJ 2013;346:e8539 : https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/23295181/