Partie 2
L’évolution de la société semble aller toujours d’avantage vers une urbanisation et une diminution du temps passé en plein air. Le regain d’intérêt pour les salles de sport et les programmes de fitness me réjouit, mais pour ce qui de l’exposition au soleil, on a connu des jours meilleurs. Au vu des éléments mis sur à plat dans la première partie, on est en droit de se poser la question : « Si pendant les longs mois d’hiver nous sommes privés de la source de plus de 90% des apports en vitamine D et que l’apport par la nourriture est négligeable, doit-on envisager une supplémentation ?
Que disent les Hautes Autorités de Santé ?
Dans son rapport sur la Vitamine D (1), l OFSP conclut que 50% de la population Suisse présente des taux de vitamine D trop bas et que 30% est même carrément carencée. A final, ça nous fait plus de la moitié de la population qui n’a pas assez de vitamine D pour s’assurer une bonne santé osseuse et musculaire.
Quelles mesures ont été prises ?
Pour les personnes âgées (à partir de 60 ans) on préconise une supplémentation de 800 UI par jour (relire la première partie pour voir à quoi cela correspond). Ces résultats se basent sur deux méta-analyses d’essais contrôlés randomisés en double aveugle. Extrait :
« En ce qui concerne les sources de vitamine D, le panel souligne qu’en raison d’une exposition au soleil limitée, d’une utilisation largement répandue de protections solaires, du caractère saisonnier et de la rareté des sources alimentaires de vitamine D, beaucoup d’individus ont besoin d’une supplémentation en vitamine D sous la forme de gouttes ou de comprimés, indépendamment de la saison, pour satisfaire aux besoins de leur santé osseuse et musculaire. »
La première fois que j’ai lu cette conclusion, je me suis demandé pourquoi est-ce que personne n’était au courant. Même en tant que diététicien, ces conclusions ont été passées sous silence lors de ma formation. J’avais simplement constaté lors de mes stages sur le terrain que les personnes âgées hospitalisées recevaient presque systématiquement des supplémentation en vitamine D allant bien au-delà des recommandations
Les contradictions des recommandations officielles
Pour ce qui est des adultes jusqu’à 59 ans, on s’est contenté d’augmenter les recommandations (de 200 à 600UI/j) en nous indiquant que les études sur cette population faisaient défaut et qu’on était donc pas en mesure d’indiquer une supplémentation. Vous avez 59 ans c’est non. Vous en avez 60, c’est oui pour les gouttes de vitamine D.
D’un côté on admet donc des carences importantes dans la population et que plus de la moitié de celle-ci n’a pas assez de vitamine D pour s’assurer une bonne santé osseuse et musculaire et de l’autre on n’encourage pas à se supplémenter. Pourquoi?
Une des raisons reste l’hétérogénéité des besoins. La dose exacte quotidienne nécessaire n’est pas connue et il y a une très grande différence entre les recommandations selon les pays, les personnes et les âges. De plus, une supplémentation en vitamine D sous forme de gouttes est difficile à mettre en place et à généraliser. Parce que nos autorités sont souvent frileuses sur le sujet de la supplémentation, quand l’hiver approche et que la quantité de vitamine D synthétisée par la peau ne suffit pas à couvrir les besoins du corps humain, elles nous proposent :
- De consommer des aliments riches en Vitamine D (saumon, hareng, maquereau…revoir le tableau dans la 1ère partie)
- De consommer des aliments enrichis en vitamine D (remplacer les aliments classiques par les aliments enrichis)
- Prendre de compléments alimentaires contenant de la vitamine D (huile de foie de morue)
- Et en ultime recours, prendre des suppléments de Vitamine D (sous forme de gouttes ou de comprimés par exemple)
Il y a deux problèmes à adopter une alimentation riche en vitamine D. Le premier est que la vitamine D issue de l’alimentation durent beaucoup moins longtemps dans notre organisme que celle issue du soleil. Lorsqu’elle est produite dans la peau sous l’influence des UV, elle peut durer au minimum 2x plus longtemps dans la circulation que celle que nous ingérons (2). Le deuxième problème est plus d’ordre pratique. Qui peut et veut manger 300g de saumon tous les jours et du hareng au petit déjeuner? Même si vous aimez le salé le matin, il y a des limites.
Le problème des aliments enrichis en vitamine D (yogourt, céréales, jus de fruits…), est double: la qualité nutritionnels de ces aliments et leur prix. On a des aliments industriels, régulièrement classés dans la catégories des aliments ultra-transformés. Et comme ils sont enrichis en vitamine D leur prix augmente (business is business) et est bien plus cher qu’un produit classique. C’est plus cher et c’est pas forcément plus sain. Entre un jus d’orange industriel enrichi en vitamine D et deux oranges fraichement pressées le matin au petit déjeuner, faites votre choix
Et la supplémentation c’est si risqué?
Est-ce que qu’on peut faire une intoxication à la vitamine D ? Il n’est pas possible de faire d’intoxication à la vitamine D en s’exposant au soleil. Un phénomène d’auto-régulation complexe prévient tout risque de surproduction par la peau(3). Une fois une certaine quantité journalière de vitamine D synthétisée, la synthèse s’arrête pour éviter tout risque de surdose. C’est pourquoi les personnes travaillant dans des pays très ensoleillés n’ont pas d’intoxication.
Mais attention, ce n’est pas la cas avec une supplémentation mal conduite et même si l’intoxication à la vitamine D est très rare et a été principalement constatée avec des doses massives (50’000 UI par jour sur de longues périodes par exemple), elle n’est pas impossible. Cependant, les études nous montrent que la dose maximum tolérable pour les adultes est de 10’000 UI par jour (4). Entre les 600 UI des recommandations et la dose maximum tolérable qui est de 10’000 UI, il y a donc tout une marge de manœuvre
Comment savoir si j’en manque?
Pour connaitre son taux de vitamine D, il suffit de faire une prise de sang (qui, si elle a été prescrite par votre médecin, est remboursable par votre assurance maladie de base). Pour l’interprétation de cette dernière, demandez donc conseil à votre médecin ou votre diététicien et évitez Doctissimo.
Comment se supplémenter?
La seule vitamine D naturelle est celle que nous fabriquons sous l’action du soleil et celle que l’on trouve dans l’alimentation (ou qui provient des huiles de poissons). La supplémentation reste cependant la seule solution lorsqu’on manque de vitamine D de manière importante et elle est nécessaire surtout en hiver. On trouve de la vitamine D principalement sous forme de goutte. Il s’agit de compléments alimentaires qui sont accessibles en vente libre dans n’importe quelle pharmacie. Ce ne sont pas les mêmes que les médicaments remboursés qui sont délivrés uniquement sous prescription médicale. Ces dernières sont des doses massives de vitamine D qui sont utilisées pour traiter les carences importantes.
Il existe deux formes de vitamine D: La vitamine D3 (d’origine animale) qui est deux fois plus efficace que la D2 (d’origine végétale). Il est préférable d’utiliser la vitamine D3 qui est identique à celle synthétisée dans notre corps sous l’action du soleil et bien plus efficace que sa forme végétale.
Faut-il prendre un peu de vitamine D tous les jours ou une dose plus importante une fois par semaine? Les études montrent que les résultats sont identiques puisque la vitamine D est stockée dans tous les cas et il n’y a pas de différence sur le taux final de circulant dans votre sang. A vous de décider donc si vous préférer en prendre un petit peu tous les jours ou une fois par semaine pour des raisons pratiques.
Oui, mais la supplémentation c’est cher!
Parce que vous avez été habitué à vous ruiner en compléments alimentaires, faisons un rapide calcul : en vous supplémentant à hauteur de 800 UI par jour, cela vous revient à 2.50 CHF/mois. Alors oui, les gouttes de vitamine D que vous achetez en pharmacie ne sont pas remboursées par votre caisse maladie. Mais un flacons de Vi-De-3 par exemple ne coute que 4.60 CHF.
Et les solarium?
Entendu trop souvent dans les vestiaires de ma salle de sport qui possède un solarium en libre accès: « Oui mais t’inquiète, je vais faire 15 minutes de solarium pou bronzer et avoir de la vitamine D ».
En Suisse, les solariums en libre accès émettent principalement des rayons UVA à hauteur de 98-99% et à peine 1 à 2% d’UVB. Comme nous l’avons vu dans la première partie, la formation de la vitamine D se fait sous l’action du rayonnement UVB (5). Le rayonnement UVA dominant dans les solariums n’y contribue aucunement. Je suis désolé de vous décevoir mais non, les solariums ne vous permettent pas d’optimiser votre taux de vitamine D.
Conclusion
Depuis une bonne trentaine d’années, le nombre d’études sur la vitamine D n’a cessé d’augmenter et on commence seulement aujourd’hui à se rendre compte de son importance autant chez les personnes en bonne santé que chez les malades. Les dosages de vitamine D et les études d’envergure mettent en évidence que rares sont les personnes n’ayant pas de déficit. En plus de ce constat alarmant, les recommandations officielles, même après avoir été revues à la hausse ne correspondent pas à celles préconisées par les spécialistes. Le changement de notre mode de vie, le temps passé à l’intérieur, l’usage parfois abusif des crème solaires, l’épidémie d’obésité ou simplement les latitudes auxquelles nous vivons, viennent aggraver ce problème et nous confronte a une exposition insuffisante aux besoins de notre corps.
Vous l’aurez compris, inutile de vous ruer sur les aliments enrichis en vitamine D ou de chercher à tout pris à faire une cure de saumon ou de solarium. Le soleil reste la meilleure manière de s’en procurer. Il est crucial pour la synthèse de vitamine D et en même temps, il en limite l’excès. Apprenez à avoir la bonne attitude face au soleil en vous exposant de manière contrôlée et intelligente.
Cependant pendant les long mois d’hiver, principalement de novembre à avril, un supplémentation peut être envisagée. Un dosage sanguin vous renseignera sur votre taux de vitamine D et sur la supplémentation à mettre en place pour vous garantir une bonne santé osseuse et musculaire. Un supplémentation qui a un coût très faible et comparaison aux bienfaits pour votre santé.
Simon Besse
Sources
- http://www.blv.admin.ch/themen/04679/05065/05104/index.html?lang=fr
- Vitamine D mode d’emploi, Dr Brigitte Houssin, Thierry Souccar Editions, 2011.
- Elaine N. Marieb, Katja Hoehn, (2010). Anatomie et physiologie humaine, Pearson.
- http://www.revmed.ch/rms/2013/RMS-389/Vitamine-D-sans-danger
- http://www.bag.admin.ch/uv_strahlung/11784/index.html?lang=fr
- http://www.revmed.ch/rms/2011/RMS-319/Vitamine-D-actualite-et-recommandations